L’exposition Mémoires Augmentées explore la mémoire comme un champ de réinvention permanent, où le passé se mêle au présent à travers les outils, les récits et les paysages qui le portent. L’exposition réunit deux artistes liés à l’Asie, Seunghwan Lee et Ludovic Nino, dont les œuvres révèlent comment la mémoire se construit, se déforme et s’enrichit, qu’elle soit filtrée par les algorithmes ou ancrée dans les strates historiques des territoires.
Seunghwan Lee
Paysages algorithmiques : entre données et réalité.
Lee Seunghwan, artiste coréen, explore la mémoire comme un espace de compromis entre le réel et sa représentation algorithmique.
Son travail s’articule autour d’une pratique hybride, où l’observation in situ de paysages – tels que ceux de la série « Forêt de Fontainebleau » – se confronte aux interprétations générées par des intelligences artificielles. En introduisant des coordonnées GPS et des données visuelles dans des outils d’IA, l’artiste obtient des images synthétiques qu’il retravaille ensuite à l’acrylique ou au dessin, créant des œuvres qui oscillent entre fidélité documentaire et distorsion numérique.
Ces paysages, ni tout à fait réels ni entièrement fictifs, révèlent les paradoxes entre ce que nous percevons et ce que la technologie nous renvoie comme reflet de notre environnement.
En révélant les artefacts visuels et les choix esthétiques de l’IA, Lee interroge la manière dont nos outils technologiques reconfigurent notre rapport à la mémoire et au territoire. Ses œuvres deviennent ainsi des cartographies subjectives, où se superposent une connaissance intime des lieux et une interprétation médiatisée par des algorithmes, invitant le spectateur à questionner la fiabilité de sa propre perception. La mémoire, chez Lee, n’est pas une donnée, mais une construction dynamique, sans cesse réinventée à travers le prisme des technologies contemporaines.
Ludovic Nino :
Racines croisées : mémoires coloniales et résilience végétale.
Ludovic Nino aborde la mémoire comme un réseau de récits entrelacés, où les paysages deviennent les dépositaires silencieux d’histoires coloniales et de résistances culturelles.
Sa nouvelle série, « Les Figuiers », puise son inspiration dans les parallèles qu’il établit entre les Antilles et Taïwan, deux territoires marqués par des héritages coloniaux complexes. Les figuiers, arbres aux racines envahissantes, y deviennent des métaphores des strates mémorielles qui persistent malgré les bouleversements historiques. Dans ses dessins à l’encre, Nino superpose les symboles de la résistance des communautés marronnes aux Antilles et les traces de la colonisation japonaise à Taïwan, où ces arbres incarnent à la fois l’oppression et la résilience des populations locales. Ses œuvres fonctionnent comme des archives visuelles, où chaque figuier dessiné porte en lui des fragments de récits souvent marginalisés ou oubliés.
En représentant ces arbres qui étouffent et préservent à la fois les vestiges du passé, Nino souligne la manière dont la mémoire collective s’enracine dans les paysages, les transformant en témoins muets mais persistants des luttes et des adaptations culturelles. Chez Nino, la mémoire n’est pas un simple héritage : elle est un processus vivant, où le passé et le présent se confrontent et se réinventent sans cesse.